La présentation des connaissances comme le contenu et la manière de raconter des histoires sont chargés des valeurs transmises par la société. La littérature de jeunesse aujourd'hui, d'origine internationale, offre une grande échelle de valeurs et surtout une grande diversité de mises en scène de ces valeurs communes aux sociétés modernes. On peut citer les valeurs démocratiques (liberté, égalité, fraternité, tolérance…), les valeurs morales (le bien, le mal), les valeurs esthétiques et sociales l(e beau, le vrai), mais aussi des valeurs plus récentes sur la finitude du monde (écologie, environnement)… inscrites dans les variations de la langue et les variétés d'images, produits d'une culture dans une société donnée, mais perméables aux autres cultures.

Cependant, elles ne font pas toutes l'objet d'un consensus et sont donc l'objet de débats ou de controverses : l'éthique dans le domaine scientifique, le travail, le progrès, l'égalité… Les écrits pour la jeunesse s'en font parfois l'écho dans des formes plus ou moins distanciées : il conviendra alors de viser une formation des élèves au jugement, à l'évaluation des situations et des conduites mises en scène, sans tomber dans un moralisme qui s'avérerait aller contre les objectifs poursuivis. Il s'agira en particulier à travers les œuvres de littérature de jeunesse de construire un savoir sur les valeurs, d'en repérer les variations dans le temps et dans l'espace.
Par exemple on pourra lire les topoï, c'est à dire faire parler ces éléments de signification qui font l'objet d'un consensus au sein d'une communauté plus ou moins vaste. Ainsi, Alain Boissinot, dans son "éloge du lieu commun", propose un itinéraire de lecture à travers la description du paysage. Il note en effet que les relations qu'entretiennent les personnages avec les lieux de l'action déterminent une lecture du paysage non plus seulement comme environnement mais surtout comme "signe culturel". On pourra prendre pour exemple le jardin ou encore l'île tous deux porteurs d'une histoire littéraire présente dans la littérature de jeunesse.
De même, on interrogera la scène romanesque. Par sa force dramatique, proche de la vraie vie, elle produit chez le lecteur des émotions en fonction des valeurs qu'il mobilise, de ses croyances, de son imaginaire et de ses expériences antérieures de lecture. Les confrontations, dans le cadre de la classe ou de la BCD, de ses différentes lectures mettra l'accent sur les nuances interprétatives. La scène romanesque peut faire l'objet d'une mise en constellation autour d'une scène typique : rencontre, adieu, dispute.
Au cycle 3, lire les modalisations, c'est à dire les termes qui expriment un jugement ou une attitude particulière de l'énonciateur ou qui nuancent les énoncés comme peut-être, certainement, sans doute, aura pour objectif de clarifier les positions de l'énonciateur et de forger ses propres jugements sur le texte . De même, percevoir l'humour, le burlesque comme les différents points de vue qui sont aussi à l'œuvre dans le documentaire activent la conscience de valeurs culturelles sous-jacentes.

Ce n'est donc pas dans une étude formelle que ces valeurs seront identifiées, mais plutôt au cours de mises en débat à propos des lectures, de mises en situation dans des projets d'écriture, de mises en scène (livres en constellation) dans des programmes de lecture.
Engager les élèves dès le cycle 1 à interagir au sujet des histoires lues, des documentaires utilisés, à donner son avis sur un livre, à le critiquer, contribue à inscrire la lecture dans un champ de valeurs culturelles et à faire émerger les valeurs du monde dans lequel ils vivent. Cette activité contribue à la formation du lecteur comme être pensant et agissant, comme personne et comme sujet social.