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Qu'appelle-t-on œuvres du patrimoine de Littérature de jeunesse ? Qu'appelle-t-on oeuvres classiques? Pourquoi diable aller exhumer des oeuvres de Littérature de Jeunesse parues il y a quelques dizaines d'années, ou des oeuvres dites du patrimoine encore plus anciennes, alors qu'il y a une telle richesse dans la production actuelle ? Les œuvres contemporaines ne sont-elles pas logiquement mieux adaptées, tant au niveau de l'écriture qu'au niveau des contenus, au jeune public d'aujourd'hui ?

Qu'appelle-t-on œuvres du patrimoine de Littérature de jeunesse ? Qu'appelle-t-on oeuvres classiques ?
Pourquoi diable aller exhumer des oeuvres de Littérature de Jeunesse parues il y a quelques dizaines d'années, ou des oeuvres dites du patrimoine encore plus anciennes, alors qu'il y a une telle richesse dans la production actuelle ? Les œuvres contemporaines ne sont-elles pas logiquement mieux adaptées, tant au niveau de l'écriture qu'au niveau des contenus, au jeune public d'aujourd'hui ?

La distinction en effet n'est pas consensuelle.
Dans certains textes de la DESCO, œuvres du patrimoine et œuvres classiques sont synonymes : ainsi dans le communiqué de presse de la DESCO du 18 novembre 2003 (La littérature de jeunesse en primaire), il est question de " classiques de l'enfance " souvent réédités et qui constituent un patrimoine se transmettant de génération en génération ". Le même communiqué en donne une définition juridique : " …Cette liste accordera en effet une place plus large aux titres "patrimoniaux" - c'est-à-dire libres de droits " . Ce qui veut dire, oeuvre dont l'auteur est décédé il y a au moins 70 ans, donc avant 1934.

Œuvres du patrimoine

Définition du patrimoine selon le Dictionnaire Historique de la Langue Française (Robert) : " Les biens matériels et intellectuels hérités par une communauté "
Nous considérons que les œuvres du patrimoine écrit sont celles qui retranscrivent au cours des siècles, les récits, les contes, les fables, les mythes qui fondent une culture. A l'origine, ces récits sont des tentatives de réponse aux grandes questions qui préoccupent l'espèce humaine : la création du monde, les origines de l'homme, le sens de la vie, la mort, l'au delà…Par exemple, on retrouve dans diverses civilisations, le thème du déluge - punition des dieux - ( voir le livre de M. & R. Déribéré : Histoire mondiale du déluge , Laffont 78), ou le mythe de Prométhée - révolte de l'homme contre les dieux - un tronc commun en quelque sorte. Puis, les civilisations se structurant au cours des temps, les œuvres du patrimoine propres à chacune se diversifient. Ainsi le patrimoine chinois ou indien se distingue-t-il nettement du patrimoine occidental ou arabe.

Sans la connaissance de ces " histoires " du passé - qui ne sont pas, à l'origine, des écrits destinés à la jeunesse - le jeune lecteur ne peut profiter pleinement ou comprendre un certain nombre de livres d'aujourd'hui, soit qu'il y ait citation, soit qu'il y ait réécriture, soit qu'il y ait détournement ou pastiche. Ainsi, des albums comme, L'arche de Noé (P. Spier - Ecole des Loisirs 1981), L'arche de Noé de L. Zwerger (Nord-Sud), celle du magnifique livre du peintre F. Pelletier, L'arche de Lulu (D. Picoly, F. Pillot - Magnard 2003), le petit roman parodique L'arche des Noé ( W. Orr, Castor-Flammarion), Après nous le déluge , bande dessinée de F'Murr, un film d'animation comme La prophétie des grenouilles et le livre que ses créateurs en ont tiré (J-R. Girerd & I. Tcherenkov), font référence au déluge biblique.
De même, l'album Re-création (C. Légaut - Rouergue) suppose que l'enfant se soit approprié l'histoire de la création du monde telle que la présente la Genèse.

Si l'on aborde le patrimoine plus proprement français, il y a consensus par exemple sur les noms de Perrault et La Fontaine. Pour les enfants, il y a nécessité de connaître les contes et les fables originales pour mieux interpréter les œuvres actuelles : le Petit Chaperon Rouge de Perrault chez Grasset qui cite intégralement le texte original en donne une interprétation particulière par la présence des photographies très connotées de Sarah Moon. Mais, déjà les gravures de Gustave Doré invitaient elles aussi à une interprétation particulière ; Mina je t'aime (P. Joiret & X. Bruyère - Pastel), PCR, cappuccetto rosso (Passage piétons 2003) en sont des détournements qui requièrent une connaissance fine du conte de Perrault.
Lire en constellation les fables d'Esope dont La Fontaine s'est inspiré, les dites fables de La Fontaine, l'album d'Anno, Les Fables d'Esope lues par Maître Renard (Circonflexe 1990) où Maître Renard réinterprète à son profit la moralité de ces fables, et l'album Sacré Raoul ( M-A Guillaume & F. Roca - Seuil) dans lequel un petit taxi jaune se trouve dans des situations inspirées par les fables, mais largement réactualisées, permet à l'enfant de comprendre que chaque écrit se nourrit d'autres écrits et chaque lecture des lectures déjà faites. Lire le patrimoine aujourd'hui, c'est non seulement lire les œuvres du passé encore éditées mais les réinterpréter et les redécouvrir dans les oeuvres contemporaines qui les font vibrer ou résonner autrement.

Les mutations culturelles accompagnent un mouvement de mondialisation des objets culturels eux-mêmes (livres, films, multimedia…) lui-même précédé par un processus anthropologique de mise en récit souligné par les théories de la psychologie culturelle (Bruner). Les genres comme le conte, la fable, l'épopée, sont apparus dans les civilisations les plus anciennes et sont toujours vivants aujourd'hui (pour l'épopée : l'Iliade et l'Odyssée , Le Roi Singe …). Dans les récits animaliers africains, le bestiaire peut changer (le chacal remplace le rusé renard, et le lièvre n'a pas la réputation de matamore ou de pleutre qu'il a dans notre tradition), mais les paroles de sagesse qu'ils diffusent sont comparables dans leur fonction aux morales des fables.
Le mérite de ces récits est de se rattacher à des topologies géographiques et mentales (le village et la forêt ou la savane, l'ouvert et le fermé, le sauvage et le domestique, le dedans et le dehors, le proche et le lointain, le connu et l'inconnu..) qui donnent à lire le monde aux enfants, les aident à construire des familiarités et des connivences, installent une mémoire commune.

La diffusion des oeuvres à travers les frontières et les siècles a été accélérée par le développement de l'imprimerie, des technologies nouvelles et la croissance économique. De plus en plus de textes sont traduits en langue française, édités simultanément dans plusieurs pays du monde.
Depuis déjà plusieurs générations, les lecteurs ont accès aux versions françaises de La Reine des neiges du Danois Andersen, du Pinocchio de l'Italien Collodi ou des Aventures d'Alice au pays des merveilles de l'Anglais Lewis Caroll, aussi bien que des histoires des Mille et une nuits , contes anonymes arabes, traduits en français dès le 18ème siècle.
Ensuite, il y a les histoires qui hantent l'imaginaire de cultures a priori aussi différentes que l'Asie, l'Afrique ou l'Europe. Par exemple, les contes étiologiques sont porteurs d'explications du monde propres à une culture, parfois très éloignées des nôtres, parfois très proches .
Ainsi, à côté d'un patrimoine écrit se constitue plus récemment un patrimoine éditorial à travers les fac similé qui reproduisent à l'identique une œuvre dans la mise en forme éditoriale de l'époque ( Macao et Cosmage , 1919, C. Vildrac, E. Legrand - Circonflexe 2002). Enfin, compte tenu de la courte histoire de la littérature de jeunesse, un certain nombre d'œuvres éditoriales - comme les toutes premières bandes dessinées de Tintin - constituent un patrimoine qui ne vieillit pas en réception, constituant une lignée et organisant des filiations avec la BD actuelle.

La question se pose alors de la transmission et de l'acquisition de ce patrimoine composite. Si l'école a la responsabilité de l'acquisition, les medias assurent parfois une transmission à partir d'objets culturels dont il est souvent difficile, pour les enfants, de reconstituer l'historique : par exemple quelles relations établissent-ils entre la Blanche Neige de Grimm et le dessin animé de Walt Disney ? Quel est l'original ?
D'autre part, les œuvres peuvent présenter une quantité de lecture très importante pour la tranche d'âge considérée ( Le Capitaine Fracasse , Gulliver , Ivanohé …). Si les adaptations qui s'éloignent du texte original sont peu acceptables, l'édition de classiques judicieusement abrégés peut être une solution intéressante en attendant que les lecteurs puissent acquérir les compétences et le désir de s'attaquer à l'œuvre entière.

Œuvres classiques

Définition du classique selon le Dictionnaire Historique de la Langue Française (Robert ) :. " Sont dits classiques les écrivains qui font autorité, considérés comme des modèles à imiter (1611) et par conséquents dignes d'être étudiés en classe (1680)…Par extension, …au XIXe siècle, qualifiant avec une nuance péjorative ce qui ne s'écarte pas des règles établies… "

" Les élèves acquièrent ainsi les repères culturels que seules les grandes œuvres sont en mesure de donner, par la manière singulière qu'elles ont de traduire - en les transfigurant - les expériences humaines universelles (l'amitié, l'amour, la violence, la peur, la filiation, etc.). " Communiqué de presse du 18 novembre 2003 - Ministère de l'Education Nationale.

A l'origine, les " classiques " sont donc les œuvres considérées comme dignes d'être enseignées, étudiées dans le cadre scolaire. Socle culturel commun, lieu partagé de communication et d'échanges sur le monde, au travers de références communes, elles rendent compte des aspirations, des valeurs, de la société dans laquelle l'élève est appelé à s'insérer. Elles ont donc valeur d'exemple et - aux yeux de la sociéte de l'époque - une valeur morale. Cependant elles transcendent le temps, ce qui explique leurs rééditions régulières et le consensus qui les entoure.
On parle parfois de " Bibliothèque idéale ". Le fonds en serait constitué par les ouvrages lus par plusieurs générations, constamment réédités, qui font l'objet de relectures multiples et régulières de la part des enfants. C'est le cas pour Babar (J & L. de Brunhoff, connu de tous, Bécassine (Caumery & E-J. Porphyre Pinchon), de Max et les Maximonstres (M. Sendack) publié en 1970, toujours disponible ou du " Petit Prince " (St Exupéry, Gallimard) constamment réédité dans de multiples formats depuis 1943, de Petit Ours Brun (D. Bour), L'enfant et la rivière (H. Bosco), ou encore Les Contes rouges du chat perché (M. Aymé)…Si l'on prend l'exemple de Little Nemo (1903), l'une des premières bandes dessinées, on voit comment elle continue d'inspirer des bandes dessinées contemporaines comme Hé Nic, tu rêves ! (Hermann & Morphée) ou des albums comme Ce n'est qu'un rêve de Van Allsburg à l'École des Loisirs.
Notons cependant qu'il existe des livres répondant apparemment aux critères de l'œuvre classique, comme Oui-Oui , Le club des cinq , Fantômette …lus et relus par des générations d'enfants, et qui ne sont ni reconnus ni légitimés par l'institution !

Un classique gagne en autorité selon son pouvoir d'attraction lié en partie à son actualité et aux médiations culturelles dont il aura fait l'objet (à l'extérieur et à l'intérieur de l'école, dans la société). L'école, bien sûr, a un rôle primordial comme le montre le cas de Frou le lièvre , de Perlette goutte d'eau ou de Max et les Maximonstres toujous présents dans les classes maternelles, depuis leur première édition, et qui participent ainsi à une culture commune entre les élèves eux-mêmes et entre les générations enfants-parents, voire grands-parents.

L'ensemble de ces classiques constitue donc en quelque sorte une histoire du livre de jeunesse, dans ses continuités et ses ruptures, directement liée au contexte socio-culturel de chaque époque. Les œuvres marquantes sont celles qui ont amené un bouleversement :

  • soit qu'elles rompent avec les représentations de l'époque quant à ce qui est bon pour la jeunesse (la figure de la petite fille modèle qui devient enfant rebelle : Fifi Brindacier , Eloïse , Julie qui avait l'ombre d'un garçon …)
  • soit qu'elles s'en prennent aux tabous qui varient avec le temps (la fugue, la mort, la sexualité, le travail, l'argent, la violence, le racisme, le sexisme…) ; exemple : Les Editions des Femmes
  • soit qu'elles renouvellent l'écriture ou les modes narratifs
  • soit qu'elles fassent appel à de nouveaux styles d'illustration liés à l'art contemporain…( Delarge, Ruy Vidal, Le Sourire qui mord…).

Elles ne vieillissent pas parce que ces œuvres "résistantes ou réticentes" nourrissent et continuent d'inspirer les créateurs actuels…Elles devraient donc, de fait, être connues de tous les enfants.

Et cette connaissance, ce tissage, cet aller-retour entre passé et présent, contribue également à cette culture littéraire de l'enfant, lentement élaborée, qui lui permettra de devenir un lecteur confirmé, voire expert.

Vous trouverez dans Point de vue , des approches complémentaires.

Vous trouverez dans Références

      • une bibliographie
      • une sélection concernant Les titres-phares, patrimoniaux et classiques, de la Bande dessinée, des origines à 1990.

Vous trouverez dans Progression les listes que nous proposons pour les 3 cycles, présentant des titres d'œuvres patrimoniales et classiques dont l'édition originale se situe avant 1994 et qui sont, pour bon nombre d'entre eux, disponibles en 2004.

Last modified 2005-10-03 16:28