Progression
Nous avons abordé essentiellement la sémantique lexicale sous l'angle de l'étymologie, en rejetant vers d'autres développements les questions relevant de la morphologie. En chargeant un simple fragment d'explications en chaîne, on donne déjà l'impression de surcharger la barque, alors qu'en fait toutes les propositions relèvent davantage d'une attention continue aux suggestions de la langue que du désir d'en épuiser les virtualités en un concentré d'exercices. Ce n'est pas la découverte qui fixe une habileté, c'est la répétition, la reprise, la réutilisation. Et c'est pourquoi la plupart des travaux suggérés par les manuels sont décevants, parce qu'ils se bornent à des classements ou des observations ponctuelles, alors qu'il faudrait enrôler chaque élève dans une activité personnelle et continue de recherche, autour de trois principes :
Nous avons rappelé, dans un autre développement (voir à " Lexique " la question 1) l'intérêt qu'il y a à éveiller l'attention des élèves, dès le cycle 2) sur les jeux langagiers en œuvre dans un certain nombre d'albums. Nous ne reviendrons donc pas sur cet aspect.
Cette même attitude conduit aussi à des activités d'écriture. Par exemple, et pour revenir à notre fragment du Petit Poucet, on trouve, dans le Dictionnaire des expressions et locutions , d'Alain Rey:
Quelles sont celles que l'on retiendra, parce qu'elles se prêtent le mieux à des réemplois, à des jeux d'écriture, à des pastiches.. ? Ecritures " courtes " (de réemploi immédiat), écritures " longues " (récits à la manière de…, récits avec contraintes…).
Nous avons suggéré que le travail méthodique prenne, au cycle III, la forme d'un Dictionnaire des mots et expressions propre à la classe, c'est à dire des mots et expressions que l'on s'est appropriés, et dans lequel trouveraient place toutes les définitions reformulées, les exemples rencontrés au fil des lectures ou des réécritures, les réemplois des expressions retenues. La confection d'un tel dictionnaire serait l'occasion tout à la fois de noter le contexte d'usage du mot retenu, les définitions des dictionnaires et les reformulations que l'on s'est données. L'usage de l'ordinateur et du traitement de texte devrait permettre tout à la fois l'enregistrement de la mémoire du groupe, c'est à dire l 'extension et le renouvellement du lexique travaillé, et les ajustements personnalisés (mes définitions , les mots que j'aime, mes exemples, les expressions que je retiens, les citations dont je veux me rappeler..)
L'important est qu'au sortir du CM on ait manipulé la langue, en s'interrogeant sur son origine, son extension, sa fluidité, sa fragilité et sa force d'invention . On a pris l'habitude de travailler à partir d'énoncés décontextualisés, écrits pour les besoins de la démonstration, en gommant les situations d'énonciation, les aspérités sémantiques et les effets recherchés, bref tout ce qui fait le poids et le prix des mots. Le texte littéraire, au contraire, affiche sa densité, la superposition des plans du travail qui lui a donné naissance (plans énonciatif, prosodique, phonique, sémantique…). C'est aussi ce qui fait sa force : le texte littéraire est un " réseau " d'effets, redoublés, mis en écho. Prendre en charge un texte littéraire, cela veut dire être attentif à ces cheminements du sens sous et dans les mots. Marthe Robert écrit dans La Vérité littéraire , en regrettant qu'entre le saint et le salaud, il y ait eu disparition d'un tas d'autres expressions, comme bonhomme, bonasse… , " …le piquant cède la place à l'intéressant, tandis que la charmeuse ou la sorcière , la sainte-nitouche ou la virago , et combien d'autres mots si propres à diversifier choses et gens tombent dans le néant créé en hâte par notre rage de nivellement… ". Il suffit de donner à lire les premières phrases du Petit Chaperon rouge pour vérifier la pertinence de ce propos : comment lira-t-on et comment comprendra-t-on " … Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge… " ?
- pratique des activités lexicales en situation
- pratique raisonnée du dictionnaire en complément du travail des mots dans le co-texte
- réalisation de dictionnaires de classe.
Nous avons rappelé, dans un autre développement (voir à " Lexique " la question 1) l'intérêt qu'il y a à éveiller l'attention des élèves, dès le cycle 2) sur les jeux langagiers en œuvre dans un certain nombre d'albums. Nous ne reviendrons donc pas sur cet aspect.
Cette même attitude conduit aussi à des activités d'écriture. Par exemple, et pour revenir à notre fragment du Petit Poucet, on trouve, dans le Dictionnaire des expressions et locutions , d'Alain Rey:
- à l'entrée faim , 7 locutions disponibles : faim de loup, crever de faim, ne pas manger à sa faim, rester sur sa faim, tromper sa faim, la faim chasse le loup du bois, la faim est mauvaise conseillère…
- à l'entrée bottes , 13 locutions : botte de sept lieues, bruit de bottes, haut comme ma botte, être à la botte de quelqu'un, droit dans ses bottes, en avoir plein les bottes…. ;
- à l'entrée loup, 16 locutions : un froid de loup, une faim de loup, un vieux loup de mer, un jeune loup, connu comme le loup blanc, à pas de loup, entre chien et loup, à la queue leu leu, hurler avec les loups….;
Quelles sont celles que l'on retiendra, parce qu'elles se prêtent le mieux à des réemplois, à des jeux d'écriture, à des pastiches.. ? Ecritures " courtes " (de réemploi immédiat), écritures " longues " (récits à la manière de…, récits avec contraintes…).
Nous avons suggéré que le travail méthodique prenne, au cycle III, la forme d'un Dictionnaire des mots et expressions propre à la classe, c'est à dire des mots et expressions que l'on s'est appropriés, et dans lequel trouveraient place toutes les définitions reformulées, les exemples rencontrés au fil des lectures ou des réécritures, les réemplois des expressions retenues. La confection d'un tel dictionnaire serait l'occasion tout à la fois de noter le contexte d'usage du mot retenu, les définitions des dictionnaires et les reformulations que l'on s'est données. L'usage de l'ordinateur et du traitement de texte devrait permettre tout à la fois l'enregistrement de la mémoire du groupe, c'est à dire l 'extension et le renouvellement du lexique travaillé, et les ajustements personnalisés (mes définitions , les mots que j'aime, mes exemples, les expressions que je retiens, les citations dont je veux me rappeler..)
L'important est qu'au sortir du CM on ait manipulé la langue, en s'interrogeant sur son origine, son extension, sa fluidité, sa fragilité et sa force d'invention . On a pris l'habitude de travailler à partir d'énoncés décontextualisés, écrits pour les besoins de la démonstration, en gommant les situations d'énonciation, les aspérités sémantiques et les effets recherchés, bref tout ce qui fait le poids et le prix des mots. Le texte littéraire, au contraire, affiche sa densité, la superposition des plans du travail qui lui a donné naissance (plans énonciatif, prosodique, phonique, sémantique…). C'est aussi ce qui fait sa force : le texte littéraire est un " réseau " d'effets, redoublés, mis en écho. Prendre en charge un texte littéraire, cela veut dire être attentif à ces cheminements du sens sous et dans les mots. Marthe Robert écrit dans La Vérité littéraire , en regrettant qu'entre le saint et le salaud, il y ait eu disparition d'un tas d'autres expressions, comme bonhomme, bonasse… , " …le piquant cède la place à l'intéressant, tandis que la charmeuse ou la sorcière , la sainte-nitouche ou la virago , et combien d'autres mots si propres à diversifier choses et gens tombent dans le néant créé en hâte par notre rage de nivellement… ". Il suffit de donner à lire les premières phrases du Petit Chaperon rouge pour vérifier la pertinence de ce propos : comment lira-t-on et comment comprendra-t-on " … Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge… " ?
Last modified
2005-10-03 14:10