Ainsi se joue dans la lecture en constellation la formation du lecteur, de nature cognitive, sociale et patrimoniale…

On pourra distinguer différentes mises en constellation permettant :

• d'identifier des genres littéraires et discursifs historiquement élaborés et d'en cerner les transgressions et les évolutions : roman policier, roman historique, roman épistolaire, roman et récit fantastique…
• de reconnaître les sources de certains textes et images, les adaptations, les ressemblances, les détournements et d'en interpréter les effets : contes, mythes, légendes et autres genres... 
• d'identifier les références culturelles, les allusions, les citations d'œuvres, littéraires, picturales, ou appartenant à d'autres domaines artistiques ; 
• de dégager un fil rouge symbolique à travers la récurrence d'éléments comme le mur, la forêt, la nuit, la fumée, le mirir ou l'ombre, les quatre éléments ; 
• de donner sens aux différentes configurations et constituants du littéraire comme, par exemple :

- repérer un "motif", une configuration du narré qui motive les personnages, connaissance qui permet d'anticiper sur la suite de l'histoire

- repérer des constructions textuelles ou iconiques propres à certains genres et leurs utilisations décalées dans des formes non attendues (randonnées, récits des origines, mais aussi, lettres, recettes, affiche, tableau de maître, publicité …) ;

- constituer une galerie de personnages types et en noter les variations : l'ogre, le détective…

- explorer la situation d'énonciation, le silence sur un pesonnage ;

- explorer l'univers d'un auteur...

Mais la lecture en constellation ou la lecture d'ouvrages isolés oblige parfois à des lectures complémentaires - en réseau - explicitant par exemple le contexte dans lequel se déroule l'histoire, proposant des parcours de lectures dans des ouvrages dans lesquels des informations concourent à l'intelligibilité d'un texte ou des textes.

C'est alors que pourront être convoqués d'autres récits, des documentaires, des usuels... plutôt en tant qu'outils, en tant que référents par rapport à un sujet ou un contexte mal connu du jeune lecteur. C'est ainsi que le roman historique se doublera d'une lecture de documentaires éclairant la période historique évoquée.

Pour lire en constellation, il faut savoir parfois faire des détours, sortir du champ littéraire strict pour explorer d'autres genres afin de mieux cerner les limites, d'apprécier les inférences, les franges, l'inclassable des œuvres de littérature de jeunesse.

Expérimenter la lecture en constellation, puis créer ses propres constellations, ouvrent donc d'autres portes que celles d'une connaissance formelle des textes : ces pratiques font vivre et revivre les textes, les font dialoguer entre eux et avec leurs lecteurs.

2° - Dans les champs non littéraires

L’entrée dans la culture passe par l’intériorisation des genres de discours et des formes de pensée que les hommes ont progressivement élaborés et modifiés au cours de l’histoire. Ainsi, les formes narratives correspondaient aux standards de l’écriture scientifique des premiers naturalistes ou botanistes du XIXe siècle qui faisaient part de leurs découvertes à la communauté scientifique.

Aujourd’hui, la forme discursive constitue une manière de dire qui reconstruit une situation de communication virtuelle avec ses protagonistes à laquelle le lecteur est convié de participer. Lorsque le jeune enfant écoute une histoire dans laquelle le réel est fictionnalisé, deux choix au moins s’offrent à lui : soit il entre dans l’histoire sans s’interroger sur son rapport au réel, soit il s’interroge sur le réel à travers l’activité de « comme si » que l’histoire suggère.

Aussi, loin d’être un simple regroupement thématique, la mise en constellation de livres de plusieurs formes et genres peut être productive comme sources de mise en mots de l’expérience concrète, de processus ou d’états selon des points de vue complémentaires ou conflictuels. Ainsi en va-t-il de la forme « abécédaire » qui permet une mise en ordre du monde, de la constellation « vie végétale » qui donne à voir les notions centrales, permet une conceptualisation sous des angles différents.

Rien n’exclut d’avoir des entrées non littéraires dans un roman qui a priori sera plutôt inscrit dans le genre littéraire. C’est pourquoi nos propositions se détachent  des classements en bibliothéconomie, des classements linguistiques ou  de la critique littéraire, tout en reconnaissant leurs fonctions et leurs usages. Dans la lecture en constellation dans le champ de la culture scientifique par exemple, l’enjeu est de délimiter une question, un problème et de voir quels ouvrages peuvent y répondre de manières différentes : à charge pour le lecteur de s’approprier en fonction du contexte, les manières de dire, de penser, de voir qui s’élaborent dans cette interaction balisée entre plusieurs voix.