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Allocution d'ouverture du Ministre Jack Lang à la journée de l'Observatoire 2001 sur l'apprentissage de la lecture au cycle 3

Mesdames, messieurs, je suis heureux d'ouvrir votre journée. Je crois que ce début d'année est l'occasion pour moi de vous adresser mes vœux, mais aussi de vous dire à quel point le travail accompli, notamment sous votre impulsion, monsieur le Président, et avec chacune et chacun d'entre vous, est d'une extrême importance.

Je considère que la lecture, dans toutes ses composantes, constitue l'ossature même de notre école première, de notre école de base. Ce qui est original dans ma conviction, c'est ma combativité, sans relâche, au service de cette ambition. Je n'ignore pas que l'apprentissage de la lecture est un processus lent, complexe, qu'il commence dès l'école maternelle, à travers l'expression orale, et qu'il se poursuit tout au long de l'école élémentaire.

C'est une année importante pour votre Observatoire et je m'en réjouis. J'ai souhaité que l'ONL puisse pleinement jouer son rôle au sein de la politique nationale de l'éducation, et notamment en ce qui concerne la lecture, et c'est pourquoi, j'ai désiré, après en avoir parlé avec vos responsables, que des liens privilégiés soient établis avec la Direction de l'enseignement scolaire (et notamment son directeur monsieur de Gaudemar) et l'ensemble de ses équipes, et la Direction de la programmation et du développement (et son Directeur, monsieur Cytermann) à laquelle j'ai demandé d'orienter, en liaison avec vous, ses travaux sur les apprentissages. Votre Observatoire a accompli déjà une œuvre abondante.

Dans un premier rapport, vous aviez mis l'accent sur l'importance du travail sur la langue orale à l'école maternelle, afin de préparer les enfants à aborder l'apprentissage de l'écrit. Et, sur ce point, je crois que vous avez vu juste et je dois vous dire très franchement que je vous ai, en quelque sorte, pillé. Je suis imprégné de vos travaux et, plus j'avance, plus je suis convaincu que vous avez mis le doigt sur une exigence absolue qui réclame de la part des maîtres et des maîtresses une attention particulière. Elle engage aussi l'administration et les différents corps d'encadrement à proposer des instruments, des outils pour faciliter ce travail. Afin de contribuer à mettre davantage l'accent sur cette exigence absolue, nous organiserons, dès la rentrée prochaine, un repérage - un mot plus approprié reste peut-être encore à inventer - à l'entrée de la grande section maternelle, pour connaître les enfants qui se trouvent déjà en difficulté d'expression orale, de connaissance des mots, de construction des phrases, de gestes grapho-moteurs etc… Nous procéderons, par ailleurs, à une évaluation à l'entrée en CP.

Nous travaillons actuellement, et vos avis nous seront très utiles dans les prochaines semaines, à la mise au point d'outils qui permettront, d'une part, de guider les professeurs grâce à ces repérages ou ces évaluations, et, d'autre part, d'apporter des remèdes pour sauver certains enfants de la noyade et les aider à arriver à l'école élémentaire, dans de meilleures conditions et, si c'est possible, à armes égales.
Notre réflexion n'est pas limitée en ce qui concerne le travail que nous pouvons faire avec les maîtres et, de ce point de vue, les IUFM, qui sont en rénovation, contribuent évidemment à cet objectif. Je vais, d'ici quelques semaines, annoncer quelques changements qui devront accorder une place très importante à l'apprentissage de l'expression orale, comme à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture.

Je note que vous avez souvent mis l'accent, dans vos travaux, sur la dimension littéraire. Je m'y retrouve aussi : je tiens particulièrement à la diversité des textes, notamment les textes littéraires riches et denses, à détentes multiples, mais aussi les textes documentaires et la littérature de jeunesse ; vous savez d'ailleurs que j'ai désiré, avec la fondatrice du Salon du livre de Montreuil, Madame Zoughébi, mettre à la disposition de l'ensemble des écoles de France, plusieurs centaines de milliers de livres de jeunesse de bonne qualité.
Stimuler le plaisir de lire contribue à renforcer les apprentissages et à aiguiser l'appétit de culture dès le plus jeune âge. L'Observatoire a proposé aux enseignants un ouvrage intelligent, largement diffusé, qui traite de la place de la littérature de jeunesse à l'école, et j'aimerais qu'il soit pleinement lu, médité et, je dirais, appliqué.

Vous conduisez également un travail d'analyse sur les manuels d'apprentissage de la lecture au CP, travail qui sera très utile pour aider les professeurs des écoles dans leur choix et dans l'utilisation qu'ils peuvent faire des manuels dans leurs pratiques quotidiennes de classe.

Vous allez, au cours de cette journée, discuter de la lecture, au cours du cycle 3. A la fin de ce cycle les élèves iront au collège. Ils devront être devenus des lecteurs autonomes et polyvalents car ils seront confrontés à des disciplines différentes, avec une grande diversité de textes : récits historiques, énoncés de problèmes, documents à caractère scientifique, fictions, etc… J'approuve totalement le parti pris de l'ONL de défendre le principe d'un enseignement continué de la lecture au cycle 3, en affirmant qu'il y a place pour des activités de lecture, identifiées comme telles, et en mettant l'accent sur l'activité de compréhension pour l'accès progressif à une lecture autonome. De plus, dans le cadre de la mise en application du plan, que j'ai moi-même arrêté au mois de juin dernier, sur l'école de base, j'ai demandé au Recteur Joutard d'animer - c'est une première - un groupe de travail sur le programme de l'école, comme il en existe pour les programmes de l'enseignement secondaire. Ce groupe travaille et vos idées seront les bienvenues ; certains d'entre vous d'ailleurs y apportent déjà leur contribution. J'espère que ce programme, qui sera, autant qu'un programme, l'énoncé d'une pédagogie, prendra pleinement en considération l'ensemble de vos travaux.

Sur l'expression orale, sur l'apprentissage de l'écriture et de la lecture, j'approuve totalement votre vision et vos propositions qui consistent à affirmer qu'on doit continuer à apprendre à lire et à écrire tout au long de l'école. On a eu trop tendance au cours des années, pour de multiples raisons, à considérer que l'apprentissage de la lecture était terminé à l'issue du cycle 2, alors qu'en réalité, nous le savons par expérience, c'est une œuvre sans cesse inachevée, y compris d'ailleurs pour des adultes. J'espère que nous pourrons mettre au point, de manière précise et claire, une série de directives. Il me semble par exemple, à la lecture de vos travaux, que des activités de préhension de textes et des exercices d'écriture et de lecture, courts mais fréquents sont souhaitables tout au long de l'école jusqu'à l'entrée au collège. Tout cela mériterait évidemment d'être précisé, affiné, mis noir sur blanc.

Si, de mon côté, j'ai mis l'accent sur l'éveil de la sensibilité, c'est parce que je crois qu'il faut d'abord qu'un enfant soit mieux en harmonie avec lui-même. Ce qu'on appelait naguère la récitation, - le mot d'ailleurs ne me gène pas -, la lecture à haute voix, la théâtralisation de textes, peuvent contribuer à l'appropriation de la langue. Même lors d'activités qui ne sont pas seulement poétiques, théâtrales ou littéraires, par exemple, dans une chorale, qui comporte une partie de texte et une partie de musique, la maîtrise de la langue doit être l'objectif principal.

J'ai dit, peut-être en forçant le trait, que la langue nationale est le cœur de nos savoirs, la clef de tout, l'ossature et, je le répéterai : tout doit converger vers cet objectif prioritaire. Ce qui m'a beaucoup séduit dans l'expérience de Charpak, sur les expérimentations scientifiques, que j'ai généralisées à travers la France, c'est que l'enfant doit transcrire son expérience sur un cahier, son propre cahier de bord. Voilà qui contribue aussi à l'avancée vers la maîtrise de la langue.

Bref, j'imagine un programme de l'école, qui ne se limiterait pas évidemment à la seule langue mais, qui, le jour venu, montrera comment on doit utiliser chaque élément d'apprentissage pour que tous ces affluents convergent vers le fleuve principal : la langue nationale. Quand un enfant maîtrise sa langue, il peut affronter toutes les tempêtes, il peut accéder à de nombreux savoirs, il est armé, il acquiert une certaine confiance, et il ne se sent pas exclu, blessé, rejeté avec le sentiment de n'avoir pas pu pénétrer dans cet univers étrange, et en même temps accessible, qu'on appelle une langue nationale.
J'ajouterai que l'apprentissage d'une langue étrangère, que je veux imposer comme langue obligatoire à l'école, est également, je l'ai vu dans certains pays et dans différentes écoles de France, un élément qui favorise, par le jeu des comparaisons, l'apprentissage de notre langue.

Je vous parle certainement de notions qui vous sont familières, mais ce que je veux vous dire, à l'ouverture de vos travaux, c'est que vous n'avez pas devant vous un Ministre qui vient simplement par courtoisie ; il vient dire son respect et son admiration pour le Président Jacques Friedel qui, tout au long de sa vie, a été un militant de la culture, de l'intelligence et en particulier de la lecture ; je veux lui rendre hommage sincèrement et lui redire mon admiration car les travaux qui ont été réalisés sous son impulsion sont d'une richesse extrême.

Si je viens devant vous, c'est pour vous dire, Mesdames et Messieurs, que vos travaux ne resteront pas lettre morte car nous avons besoin de vos réflexions, de vos débats, de vos controverses, de vos idées. Personnellement, je lis attentivement ce que vous écrivez et ce que vous proposez et nous aurons besoin, prochainement, de nous alimenter à votre source.

Je parlais du programme de l'école, bientôt je parlerai de la rénovation des collèges : j'ai volontairement choisi la même personne, Monsieur Philippe Joutard, pour animer le groupe de réflexion sur le collège, tant il est vrai, vous le savez, qu'il nous faut établir un pont entre l'école primaire et le collège en particulier dans le domaine de la langue et de la lecture. Le moment venu, en collège, nous insisterons sur ce travail particulier de la lecture, non seulement dans les cours de français ou de littérature, mais aussi dans les autres discipli-nes. Cela devrait nous permettre de réhabiliter pleinement, comme je le souhaite depuis des années, la voie littéraire, qui a eu tendance à perdre de son importance au cours des dernières années.

Voilà Mesdames et Messieurs, quelques observations.
Je voudrais remercier les membres de l'Observatoire, les professeurs, les enseignants, les chercheurs, les orthophonistes et les parents d'élèves.
Monsieur Friedel a souhaité quitter son poste, c'est Monsieur Cerquiglini, Professeur d'histoire de la langue à l'université Denis-Diderot, Directeur de l'Institut national de la langue française et vice-président du Conseil supérieur de la langue française qui lui succède. Je suis très heureux qu'il ait accepté, ses convictions sont fortes, son engagement aussi et je pense qu'il pourra heureusement poursuivre l'importante mission qui a été engagée avec succès, talent et enthousiasme par Monsieur Friedel.

Mesdames et Messieurs, continuez à bien travailler comme vous l'avez toujours fait : ainsi, vous nous aidez collectivement à avancer, à gagner ce bon combat de la lecture et de l'écriture.

Last modified 2005-09-16 13:21