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A l'issue du cycle 2 (grande section de l'école maternelle, cours préparatoire, cours élémentaire 1), l'enfant a franchi une étape essentielle dans l'apprentissage de la lecture. C'est en effet au cours de ce cycle qu'il acquiert les codes de la langue écrite et s'engage dans la lecture de textes. Dans son rapport général Apprendre à lire (Centre national de documentation pédagogique - Editions Odile Jacob - 1998), l'Observatoire National de la Lecture - O.N.L - étudie, à la lumière des connaissances actuelles, cette phase fondamentale pour l'enfant dans la maîtrise progressive de la lecture et expose les conditions d'un apprentissage efficace au cycle 2. L'O.N.L. insiste sur la nécessité de combiner en classe la maîtrise du décodage graphophonologique et le travail sur la construction du sens. L'ouvrage aborde le problème des méthodes pédagogiques ainsi que plusieurs aspects de l'accompagnement scolaire, notamment le rôle des parents, partenaires indispensables de l'école. Enfin, les difficultés d'apprentissage de la lecture sont examinées avec précision.
Cette note de synthèse reprend l'essentiel des conclusions sur les compétences des élèves du cycle 2, concernant l'identification des mots, la compréhension des phrases et des textes. Elle présente la position de l'O.N.L. sur les méthodes d'apprentissage de la lecture.
L'identification des mots
L'identification des mots écrits constitue la tâche cruciale, spécifique de la lecture, et la principale pierre d'achoppement au cours du cycle 2.
La découverte du principe alphabétique, fondement de notre système d'écriture, la connaissance des correspondances graphème - phonème régulières et l'utilisation du décodage graphophonologique doivent être ainsi les compétences à acquérir par l'enfant pendant le cycle 2, au service des objectifs fonctionnels que sont l'identification des mots et la compréhension des textes.
Progressivement, en apprenant à lire, l'enfant commence aussi à se constituer un dictionnaire mental dans lequel la forme orthographique de chaque mot est liée directement au sens qui lui correspond. Ce lexique orthographique, dont l'activation constitue une voie plus efficace que le décodage graphophonologique, devient peu à peu opératoire dans la lecture, même si celui-ci demeure la procédure dominante dans l'identification des mots écrits à la fin du cycle 2.
Cette procédure permet à l'enfant de lire la plupart des mots courts (4 ou 5 lettres) et un grand nombre de mots longs de faible fréquence d'usage. Les groupes consonantiques (par exemple le "gr" de << gras >>) posent alors encore quelques difficultés. Celles-ci sont d'ailleurs grandes pour nombre d'enfants, dans le cas des correspondances complexes, en fonction du contexte et de la position. Enfin, les enfants ont beaucoup de mal à lire des mots irréguliers (seulement un mot irrégulier sur deux est correctement lu) : ils peuvent ainsi prononcer [k] le "c" de << porc >> ou de << tabac >> avant de se rendre compte de la prononciation correcte de ces mots.
En ce qui concerne l'écriture, la conversion phonographique, autrement dit des unités phonologiques en unités graphémiques correspondantes, persistera pendant plus longtemps que le processus inverse, et cela pour un grand nombre de mots. Les enfants du CE1 ne prennent presque jamais en compte les règles contextuelles : ils écriront ainsi << oranjade >>, << plonjon >>, << roujole >>. Parmi les orthographes imprévisibles à partir de la seule expression sonore, celles qui sont peu fréquentes, par exemple la lettre " c " pour /s/, ne sont pratiquement jamais respectées par l'élève de CE1. En revanche, l'orthographe des "petits mots" fonctionnels ( avec, pas, dans, sur, pour ) et des articles ( les, des, un, une ) est acquise par la quasi-totalité des élèves car il s'agit là de formes rencontrées fréquemment au cours des activités de lecture. Pour les autres mots, la constitution de représentations orthographiques est encore très limitée et réduite à un petit nombre de mots familiers, si bien que beaucoup d'enfants terminant le cycle 2 sauront dire difficilement, par exemple, lequel de <<manteau>> ou << mantot >> ou encore de << saison >> ou << séson >> constitue le mot correct.
L'identification des mots corrects n'est pas le seul objectif du cycle 2. La lecture va exiger de l'enfant qu'il explicite, plus encore que pour l'acquisition du langage oral, des structures syntaxiques et qu'il développe des compétences liées au traitement du sens. Autant d'acquisitions nécessaires à la compréhension des phrases et des textes.
La compréhension des phrases et des textes
Au cours des activités de lecture au cycle 2, l'enfant intègre que lire une phrase, c'est bien entendu identifier les mots, mais aussi reconnaître leurs rôles syntaxiques respectifs. Il prend conscience que la compréhension d'une phrase, d'un texte, est organisée par des indicateurs (ponctuation, marques du pluriel, prépositions, substituts du nom, marqueurs temporels, etc.) dont il ne faut jamais négliger l'importance. Cet aspect de l'apprentissage n'implique pas nécessairement une pratique précoce de la grammaire explicite et, sur ce point, l'Observatoire souhaite que les objectifs du cycle 2 soient mieux précisés, resserrés sur quelques points essentiels et mieux adaptés aux compétences exigibles d'enfants de sept ans.
Au-delà du cadre de la phrase, il convient, aussi tôt que possible, que l'enfant prenne conscience qu'un texte n'est pas une simple juxtaposition de phrases. Si l'on admet que l'accès au sens d'un texte met en jeu plusieurs compétences indissociables : reconnaître des mots, saisir l'organisation syntaxique des phrases, identifier les substituts et les connecteurs qui font la cohérence du texte, mémoriser et mettre en relation des informations dans le texte, il est clair que le "bain d'écrit", la simple sensibilisation à un environnement textuel, ne permettront pas à l'élève de devenir un lecteur autonome : comprendre un texte suppose entraînement et exigence. Trop souvent dans ce domaine, les capacités des élèves relèvent des aléas d'un auto-apprentissage spontané : l'O.N.L explore différentes activités susceptibles de guider l'élève du cycle 2 dans la compréhension des textes.
Tant pour l'identification des mots que pour la compréhension des phrases et des textes, les observations révèlent la très grande diversité des capacités des élèves en lecture à l'issue du cycle 2. Alors qu'un nombre non négligeable d'entre eux est capable, par exemple, d'accéder au sens global d'un texte narratif, d'autres ont de sérieuses difficultés à prélever une information figurant dans ce texte.
Les méthodes d'apprentissage de la lecture
Le problème des méthodes d'apprentissage de la lecture ne se pose jamais avec autant d'acuité qu'au CP. Dans son rapport qui s'inspire des travaux de recherche sur les processus de lecture et leur acquisition, l'Observatoire national de la lecture s'est penché sur cette question. Certes, il est difficile d'évaluer l'efficacité des méthodes de lecture dans la mesure où chaque méthode est utilisée avec des enfants dont les origines socioculturelles, les capacités et les motivations peuvent être très variables et par des enseignants dont l'expérience et les qualités pédagogiques sont aussi sources de variabilité. Cependant, l'ensemble des éléments développés dans le rapport permet d'avancer qu'il est indispensable de dépasser la distinction schématique entre méthodes globales, méthodes semi-globales et méthodes syllabiques. En réalité, il existe actuellement deux conceptions de l'apprentissage de la lecture :
- une conception phonique, dans laquelle on considère qu'il faut enseigner de manière explicite les relations entre certaines composantes du code graphique (lettres ou groupes de lettres) et les unités phonologiques correspondantes ;
- une conception idéovisuelle. Dans cette approche de l'apprentissage de la lecture, l'enfant est invité à faire des hypothèses, à partir d'indices contextuels, sur les mots qui constituent une phrase ou un texte et ensuite à mémoriser la forme visuelle de ces mots. L'enfant doit apprendre à passer directement des traits visuels à la signification du texte "sans passer par le son".
Les tenants de cette seconde approche de l'apprentissage de la lecture qui privilégierait le sens, refusent ainsi l'oralisation et le "déchiffrage" au nom d'un antagonisme entre décodage et compréhension. Il est pourtant clair aujourd'hui que l'identité des lettres et des mots n'est pas dérivée de la quête du sens mais bien des données perceptives, desquelles dépend tout le processus de la lecture. L'acquisition de la lecture par une approche phonique éclairée ne relève pas d'un apprentissage mécanique mais appartient au contraire au domaine de la découverte et de la pensée. Dans son ouvrage, l'O.N.L recommande cette conception phonique de l'apprentissage de la lecture à partir de procédures analytiques (des mots aux unités) ou synthétiques (des unités aux mots).
Les difficultés de l'apprentissage et son accompagnement : les parents partenaires indispensables de l'école
Le problème des difficultés d'apprentissage de la lecture est complexe, et les idées fausses largement diffusées. L'ouvrage évoque les principaux résultats des recherches menées dans ce domaine. Il insiste notamment sur le rôle des parents qui ont une action importante à mener dans la lecture d'histoires à leurs enfants, que ceux-ci soient pré-lecteurs ou lecteurs débutants. Il s'agit là d'une activité autonome et irremplaçable contribuant à l'investissement de la lecture, par la nature même des liens qui se nouent entre parents et enfants.
L'apprentissage de la lecture ne saurait par ailleurs être efficace sans relations étroites entre l'école et la famille, et même sans une connivence entre ces deux pôles de la vie de l'enfant que sont l'école et la maison. La grande majorité des adultes a appris à lire et en a gardé des souvenirs partiels, souvent de la nostalgie. Les parents sont nourris d'informations, la plupart du temps approximatives, sur la dyslexie, l'illettrisme, les méfaits de telle ou telle méthode. Ils comparent, jugent et parfois condamnent. L'enfant peut alors se trouver au centre d'un conflit, source de perturbation, dès lors qu'il y a opposition entre deux conceptions de l'apprentissage de la lecture, celle du maître et celle de la famille. Tout malentendu pédagogique entre parents et enseignants peut être à l'origine de difficultés d'apprentissage. D'une manière générale, tout ce qui tend à combler la distance entre l'environnement familial et l'école est de nature à favoriser la réussite scolaire.
" Apprendre à lire " examine enfin l'état de la recherche sur la dyslexie, il en propose une définition qui fait référence, d'une part à la capacité d'identification des mots écrits et, d'autre part, aux structures mentales qui sous-tendent cette capacité.
Dans ce bilan des connaissances actuelles sur l'apprentissage de la lecture visant à mieux éclairer les enseignants, les parents et les pouvoirs publics, la situation des enfants en difficulté au cycle 2 a été la préoccupation majeure de l'Observatoire national de la lecture.