Le texte est autonome par rapport aux images et peut donc être lu indépendamment.
Le vieux rat est le narrateur. Son langage est soutenu et il manie avec aisance les temps du récit…
Il s’agit de deux narrations emboîtées dont l’une est le récit du rêve du jeune rat qui se présente sous la forme d’une randonnée. Nous appellerons « Niveau 1 de la fiction » le récit de base qui correspondrait au réel (de la fiction !) et « niveau 2 de la fiction », le récit de rêve enchâssé.
Tous les épisodes de la randonnée sont construits de la même façon :
- Un état initial
- Un animal enlève le raton par l’une des parties de son corps
- L’arrivée dans un nid « qui déborde de bébés »
- Le rat a un statut d’objet puis est intégré à la famille
- Apprentissage du raton : échec sur l’une des compétences caractérisant la famille
- Départ de la famille d’adoption
- Nouvel état initial etc…
Un certain nombre de phrases clés se répètent textuellement
- « débordant de bébés »
- « Sur le coup, ils me prirent pour…et se servirent de moi pour… »
- « Mais avec le temps nous devînmes amis et j’eus bientôt l’impression de faire partie de la famille »
- « J’appris vite à… », « J’envisageais même de… »
- « Mais il y a une chose que jamais je ne parvins à faire malgré tout le mal que je me donnai… »
- « Et un beau jour ils partirent tous…- sans moi – C’est à peine si j’eus le temps de faire un signe d’adieu à ma nouvelle famille avant de la voir disparaître… »
- Qu’est-ce qui gère le passage d’un épisode à l’autre ?
Peut-être les divers éléments qui se succèdent ainsi : l’air, la terre, sous la terre, l’eau, l’air, la terre, et avec eux des espèces animales différentes de Raoul (oiseau, chien, lapin, poisson, écureuil)…
Pour tenter de répondre à cette question, il pourrait être intéressant de lire l’album Petit Singe (Rowe J-A, Nord-Sud 1999) qui présente la même modalité narrative de randonnée avec des rencontres du jeune héros tout aussi imprévues - éléphant, lion, kangourou pélican…- Ces rencontres lui permettent d’affirmer haut et fort « Je ne suis pas un bébé ». De la même façon, le jeune rat découvre « Je ne suis pas un oiseau, je ne suis pas un chien…je suis un rat » : recherche d’identité, désir de grandir, thèmes que développent plusieurs albums de cet auteur.
Dans un autre album illustré par J. A. Rowe, La vie est une fête (Texte de Linard Bardill, Trad. Katya Barbery – Nord-Sud 2004), Hamlet le hamster, comme Raoul, a sept frères et soeurs et chacun a une qualité particulière. Lui qui est le plus jeune n'en a aucune... Mais lorsqu’il se retrouve loin de chez lui au milieu de fêtes extraordinaires, il se découvre prodigieux conteur, sachant faire rire les autres par ses histoires.
- La lecture in extenso du texte de l’album Raoul, dissocié provisoirement des images, suscitera des questions que le maître pourra noter pour y revenir ultérieurement et mobiliser l’attention des jeunes lecteurs sur cet enjeu lors des relectures.
Si le titre de l’album n’a pas été lu, les élèves pourront en proposer un, révélant leur(s) première(s) compréhension(s) de l’histoire et permettant au maître d’engager les élèves dans un débat interprétatif sur l’identification et le statut du récit emboîté.
Le récit est rythmé par cinq rencontres qui ont chacune une durée « Mais avec le temps, nous devînmes amis ». Or, le personnage ne change pas, c’est toujours le nourrisson avec ses couches fermées par une épingle à nourrice et son étiquette jaune.
Pendant le rêve, le temps se dilate, sans repères précis, jusqu’à son réveil où Raoul perd sa couche !
La question « Combien de temps dure cette histoire ? » ne pourra obtenir de réponse immédiate de la part des élèves mais aura à être élaborée au fil des séances par :
- un repérage précis de la situation d’énonciation : qui raconte ? « Je suis vieux à présent »
- du récit emboîté : à partir d’où ? « Je somnolais …. lorsque soudain… » Jusqu’où ? « C’était ma maman »
- et des indices temporels à l’ouverture et à la clôture de la fiction de niveau 1. La force du soleil indique qu’il s’agit vraisemblablement d’un début d’après-midi d’été. Le lecteur peut aussi estimer la durée des faits rapportés par la maman et qui ont constitué le rêve de Raoul.