Personnage archétypal, l'ogre

Mange-moi raconte une double transformation : celle de l'ogre, qui va pouvoir oublier son passé, transporter son chagrin hors de lui, prendre le temps qu'il faut pour devenir ce qu'il veut devenir, celle d'Alia, qui, dans sa dernière réplique, s'écrie : " Je ne me sens pas pareille. Je me sens toute jolie ". Le rapprochement avec d'autres transformations de l'archétype ne conduit pas seulement à constater que l'on peut jouer avec les personnages, dans des jeux de réécriture en abyme. Il éclaire ici les dimensions psychologiques de l'oralité (incorporation et recherche d'identité) qui pourront être verbalisées dans le contexte spécifique de la pièce. La présence/absence de la mère, les compensations recherchées, l'angoisse d'être différente, l'envie de s'engloutir et d'être dévoré… passent ici par le langage théâtral, par l'affrontement avec les autres, par la rencontre avec l'extraordinaire. A partir de quoi la découverte de l'amitié, la quête au profit de l'autre donnent une issue heureuse au conflit intime. Il y a une certaine distance entre les transformations proposées par le Géant de Zéralda et celles que la pièce de Nathalie Papin raconte, mais c'est l'intérêt des rapprochements et des confrontations que de suggérer des explicitations et des verbalisations. Comme les cailloux blancs du Petit Poucet.