Mise en images : interactions avec le texte

Les images de Peter Sís jouent des contrastes, ce qui peut faciliter l'interprétation : contraste entre Madlenka, petit personnage rose et jaune toujours en mouvement, et les autres personnages plus grisés et plus statiques ; contrastes entre les pages blanches et dépouillées des plans qui marquent les étapes du tour de quartier de Madlenka et les doubles pages sur fond de couleur intense - bleu nuit, vert sombre, rouge carmin…-, fourmillant de détails, qui évoquent à chaque fois une culture différente. Mais les images empruntent également à plusieurs codes ce qui à l'inverse peut rendre complexe l'élaboration de significations.

On peut mettre en relation le bouleversement des perspectives des deux premiers plans, qui permet de voir d'un seul coup d'½il toutes les façades du bloc d'immeubles, avec le propre bouleversement de Madlenka et son appel à ses amis du monde entier : " Hello, tout le monde ".
Le plan circulaire qui suit, est-il encore le pâté de maison ou/et le monde, la Terre entière à laquelle s'adresse la petite fille ? Et l'exclamation " Elle bouge " avec sa typographie mouvante, fait-elle allusion à la dent ou/et à la planète ?
En même temps, le cercle évoque une roue de la fortune, et cette idée de chance est reprise ensuite dans les expressions " Il faut fêter ça ", " Quelle bonne nouvelle ", " Ça mérite un cadeau ", " Ça te portera bonheur " …
Commence alors le vrai tour du monde humain et culturel de Madlenka.
Son périple dans le temps et dans l'espace est matérialisé étape après étape par des plans horizontaux, non conformes à la norme mais proches de ceux produits par de jeunes enfants, comme influencés par la subjectivité du personnage. Le déplacement de Madlenka autour du quartier est symbolisé par la progression du grisé des façades, alors que les images de la petite fille sont délocalisées et se multiplient, au centre du plan ou dans le cadre qui l'entoure.
La rencontre avec Cléopâtre, la copine d'école est annoncée par sa silhouette sur le trottoir, dès la visite à Edouardo. Mais seul le texte " Cool, Baby ! Viens jouer dans la cour ! ", fait comprendre la nouvelle étape de Madlenka (une des causes éventuelles aussi de son retard ?). Un retour sur les plans permettra de repérer le porche qui permet l'entrée dans cette cour intérieure.
Les trois plans en volume du pâté de maisons ponctuent le récit. Le bloc semble flotter dans l'espace, la position de Madlenka dans la page ne change pas, mais le bloc a tourné avec elle -comme la Terre - et présente à chaque fois une nouvelle façade au lecteur… D'où la nécessité pour les enfants de prendre des repères fixes pour saisir le mouvement : maison de Madlenka, affiches de l'angle, arbres, réverbère, panneau de signalisation…
Par exemple la France est représentée à la fois par ses monuments parisiens les plus célèbres (Tour Eiffel, Notre Dame de Paris…) mais aussi par ses habitudes alimentaires et son goût pour les plaisirs de bouche (la baguette, le croissant, les gâteaux) ou ses personnages - héros de papier (Le chat botté, Le petit prince), de la scène (le mime Marceau), de l'Histoire (Napoléon en polichinelle, dixit Peter Sís). (Voir " EN SAVOIR PLUS ")
Bien sûr, seules quelques références culturelles seront directement accessibles aux enfants, une médiation de l'enseignant est indispensable, sans viser l'exhaustivité.