Entrées didactiques - Mise en images
Le récit de rêve s’organise tabulairement selon une progression dynamique structurée par :
- La taille et l’organisation spatiale des vignettes qui prennent une valeur sémantique, affectant la tension narrative et le rythme du récit. Elles s’allongent en fonction de l’effet spatial à donner (montée ou plongée), elles s’organisent en escalier (descente d’une nacelle ou chute du héros) pl. du 6/12/1908, du 13/12/1908. Lorsqu’elles s’élargissent, la narration fait une pause et c’est plutôt un spectacle qui s’offre au lecteur.
- La taille peut être résolument identique mais par un effet de zoom les personnages représentés deviennent de plus en plus imposants parce qu’ils acquièrent vie dans le rêve alors que Nemo garde sa taille initiale (pl. arche de Noé janvier 1909)
Quelles caractéristiques du rêve sont mises en images ?
- La dimension étrange : le réel se transforme sous les yeux du rêveur : images qui grandissent (pl. du14/02/1909), animaux jouets qui deviennent vivants (pl. arche de Noé janvier 1909), découverte progressive par le lecteur et le rêveur de l’espace dans lequel ils évoluent (pl. du 7/03/1909). Dans ce dernier cas, le rêve fonctionne selon une méprise qui fait abstraction des règles de la logique du monde réel. Nemo et l’éternel compagnon Flip font du patinage sur une surface qui apparaît d’abord plane désignée par eux-mêmes comme de la glace (images 1à 5). Poursuivant leur action, les personnages décident d’aller vers un étang, la surface s’arrondit brutalement (images 6 et 7) et Flip tombe dans un graphisme désigné comme étant de l’herbe. L’exploration qu’ils entreprennent révèle une surface représentant le crâne et la face d’un vieux monsieur, l’herbe étant les sourcils. C’est donc par un procédé d’anamorphose verticale que le rêve se réalise visuellement.
- La dimension associative : le langage permet des glissements de sens exploitables graphiquement : sur la Pl. du 25/04/1909, Nemo doit biner le jardin pour que tout y pousse même ses propres jambes et celles de ses compagnons.
- Le rêve interpelle la perception en particulier la vue. La lucidité apparente dont fait preuve le rêveur est partagée un temps par le lecteur, puis démontée progressivement ou brutalement au réveil du héros.
- La perception peut se trouver perturbée par le rêve dans le sens d’une déformation dangereuse ou excitante pour le rêveur. Planche du 18 avril 1909, Nemo et ses compagnons glissent sur la rampe d’escalier qui se transforme en spirale infernale débouchant dans le cosmos. Planche du 25 avril 1909, les jambes de Nemo puis celles des personnages qui le rejoignent dans le jardin poussent à vue d’½il, la case restant elle de la même taille…
- L’acte graphique inspire le rêveur : devenir un personnage de papier est un véritable cauchemar pour Nemo (planche du 2 mai 1909). Il est en ce cas une mise en abyme de la BD elle-même.
- Le rêve réalise des désirs cachés selon l’interprétation freudienne des rêves : par exemple Nemo rêve que Flip ne chapeaute plus systématiquement ce qu’il fait… Il sert ainsi de boulet de canon lors d’une réception dans laquelle Nemo se trouve en charmante compagnie (pl. du 28 mars 1909), perturbe la remise de médailles au pays de Slumberland, ou la visite du parc merveilleux (pl. du 6 juin 1909), il provoque Nemo qui s’apprête à le défier (pl. du 13 juin 1909)…
- Le rêve s’appuie sur des éléments de la réalité qu’il réutilise dans un autre contexte : la remise de médailles (pl. du 30 mai 1909) ou la dinde du repas de Noël (pl. du 22 novembre 1908), l’aboiement du chien de la maison (pl. du 2 janvier 1910).