Mise en images

Monde réel, monde de l'imaginaire

Dès la double page de garde, deux mondes se côtoient dans une vision planétaire : le monde du réel avec le planisphère et le petit avion parti d'Europe qui trace sa courbe dans le ciel, et le monde du mythe avec la constellation du dragon et la représentation fantaisiste de l'Ile de Komodo. Même opposition dans les doubles pages de titre entre les figures de dragon sculptées ou dessinées par le jeune garçon et le jeu de l'imaginaire lorsqu'il joue avec son ombre-dragon ou suit du regard le nuage-dragon dans le ciel.
Cette dualité s'exprime aussi dans les pages suivantes par l'opposition entre le rose de l'univers intérieur de la maison et les bleu-vert multiples de tout ce qui évoque Komodo.

Le décor de la chambre du garçon traduit bien son intérêt obsessionnel :

Trois discours se côtoient :
Remarquons que le jeune garçon emploie uniquement le mot " dragon ", jamais " varan "


Passage du réel à l'imaginaire : le fantastique

Entre la première illustration " J'imaginais la rencontre " et l'illustration identique " Un dragon ! " se déroule le voyage jusqu'à Komodo. De glissement d'une image à l'autre, d'un zoom à l'autre, le réel se traduit par ce cercle étouffant de touristes et de vendeurs autochtones : piste de cirque avec son piquet central, la pâtée pleine de mouches et l'ombre d'un pauvre varan terrorisé au fond de son abri. Quel sens le jeune héros donne-t-il à cette scène ? Vit-il, voit-il la réalité ? Refuse-t-il ce réel minable, sordide ? Le dragon existe-t-il ? : " Ca ne ressemblait pas du tout à ce que j'avais imaginé ", " Je ne voyais rien ". Il est hors du cercle, tourne le dos à ses parents et s'enfonce dans la forêt. Aussitôt le fantastique intervient : " Tout à coup, j'entendis un rugissement ", la végétation s'anime de regards, les plantes se métamorphosent, la double page elle-même présente trois séquences horizontales, tout est mouvement comme si la végétation pliait sous le souffle du dragon, ou cherchait à fuir. La casquette du héros lui est arrachée par le souffle, mais il la récupère et il avance à contre-courant vers cette présence symbolisée par deux yeux au fond d'une tanière.
Et la rencontre a lieu, " Un dragon ! ", telle qu'il l'avait imaginée avant le voyage, au c½ur d'une clairière circulaire, bordée de plantes animées qui contemplent la scène. La rencontre est fugace, le dragon disparaît aussitôt mais la végétation entière se transforme en une multitude de figures animales. L'enfant rebrousse chemin vers le monde du réel, mais la dernière illustration porte toujours la marque de l'imaginaire avec à l'horizon l'île de Komodo représentée sous la forme d'un dragon végétal lové sur lui-même, et le commentaire du jeune narrateur : " L'île de Komodo a beaucoup déçu mes parents mais moi, franchement je n'ai jamais rien vu de mieux ! ".