L’album supporte donc une lecture qui tire le récit vers le personnage et la fiction imaginée. L’histoire crée un lien entre des souvenirs et des regrets : « elle rêve aux jardins de son enfance chargés des senteurs de pivoine et de lilas, jardins disparus et déjà oubliés » (page 11) et un projet et un espoir : « ce plan de haricot, incongru parmi les quelques arbustes et les fleurs éclatantes, est son jardin secret. Elle l’a sauvé. Le voir pousser est sa consolation, son doux secret, son réconfort, sa joie. ». En ce sens le livre est toujours en avance par rapport aux représentations que les enfants construisent, porteur d’une sagesse qui ne le réduit pas aux données d’une expérience scolaire ou familiale. En ce sens la lecture de l’album demande à être accompagnée.
Sur quoi les jeunes lecteurs peuvent-ils s’appuyer pour dire qu’il s’agit là d’un récit de fiction ?
- sur le titre et sur la valeur de l’article « Le haricot » ?
- sur la distance qu’établit le caractère un peu désuet du personnage, sa robe noire, son chapeau de paille tressée, son sac (« ordinaire ») blanc, sa « machine à coudre, aussi usée qu’elle », et du travail auquel elle se livre, ces « sacs à main de luxe » et ces « pochettes blanches brodées d’or et de perles » ? Il leur faudra « lire » l’intérieur modeste, le linge qui pend à la fenêtre, le palier et sa fontaine, le long escalier qu’il faut descendre et monter, la rêverie devant la vitrine du fleuriste et le pot d’azalée enveloppé dans un journal.
- sur l’indication fournie par la notice introductive : « la discrète interprète de cette histoire est Marie Marc, comédienne d’occasion… » ?
Il leur faudra encore accepter l’idée que ces photos ne sont pas simple « reproduction » du réel, que chacune d’elle est une composition. Le photographe choisit l’angle de prise de vue, cadre le personnage, le met en perspective, sans effets inutiles, mais avec efficacité (et une tendresse visible pour son personnage).