- Le discours explicatif accompagne au plus près la succession des feuillets transparents ou opaques : il montre du doigt, il commente, il relance l’observation, il interroge, il conclut. Alors que le discours scientifique ne mimerait pas la situation de production des échanges, ici apparaît la voix de l’adulte qui met les choses sous les yeux du jeune lecteur et invite à en découvrir les aspects moins connus. Ce dialogue serré mais fictionnel avec le lecteur ou l’auditeur (« Tu l’épluches, tu la coupes… », « Sais-tu que les radis, les céleris et les betteraves… ? », « vois-tu leurs graines… ? »), grâce à l’intimité qu’il crée, devient le support d’autres paroles, d’autres interrogations ou commentaires entre le lecteur réel et l’enfant virtuel auquel le discours s’adresse. Le prosaïsme apparent du procédé ne réduit pas la lecture de l’album à la répétition du texte, à la récitation d’un savoir acquis. De même qu’Eluard voyait dans les « grandes marges blanches » des poèmes l’espace d’un dialogue entre le poète et son lecteur, de même, et toutes proportions gardées, les marges de l’album appellent des prolongements, l’évocation de souvenirs et d’expériences, et peuvent susciter des projets. À plus forte raison si cet album-ci est mis en relation avec les autres livres de la constellation. Eluard ajoutait : « on rêve sur un poème comme on rêve sur un être. La compréhension, comme le désir, comme la haine, est faite de rapports entre la chose à comprendre et les autres, comprises ou incomprises. » (L’évidence poétique – 1936). Nous ne sommes pas si loin du jardin potager !