D’emblée se pose la question de la nature de ce qui nous est donné à "lire" et les jeunes élèves peuvent entrer dans ce recueil avec cette question : de quoi s’agit-il ? S'agit-il d'images ou de textes ? Que puis-je lire et comment ? Nos définitions volent en éclats car l’aspect visuel prime sur l’aspect linguistique au premier abord. Mais doit-on, peut-on dire que des signes linguistiques et reconnus comme tels par notre culture réarrangés dans l’espace graphique soient une image ? Oui si l’on considère que c’est l’activité réelle du lecteur qui constituera in fine cet objet hybride, entrelacement d’artifices visuels et langagiers constitués de :
- variations typographiques dans lesquelles la relation du signifiant au signifié ébranle l’arbitraire du signe tel que l’a défini Ferdinand de Saussure voir les poèmes “ Opéra Omnia”
- mise en espace du poème telle que l’a initiée Mallarmé avec “ le coup de dés ” ; la forme du texte surgit comme figure et interpelle le lecteur avant qu’il n’entreprenne la lecture des signes linguistiques (voir les poèmes “ léger ” ou “ cet été ”) ; calligrammes comme “ Printemps ”, “ un arbre ” ;
- modification des sens de la lecture : trouver une règle de lecture du poème page 11 c’est rompre avec la lecture linéaire de gauche à droite, introduire une double lecture, celle de la suite alphabétique des lettres et celle d’un énoncé réparti sur plusieurs lignes. Alors apparaît la nécessité de lire “ de ” de deux manières comme les lettres manquantes de l’alphabet et comme le mot de permettant de lire “ le goût frénétique de l’exploitation du milieu ”
- combinaison d’écritures et d’images avec laquelle le lecteur tisse des significations : médailles épinglées comme une collection d’insectes, “ éclipse totale de ponctuation ”
- références à la fabrication de l’image : avec le poème vert le lecteur met en couleurs le poème ; dans “ écholalie monochrome ”, la référence au poème de Rimbaud prend corps dans la mise en page voyelles à gauche, mots images évoquant des nuances de bleu à droite.
- références à la culture de l’image, à l’image narrative présupposant des mises en voix intérieures d’une histoire séquentielle (À Cluny)