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Du côté du livre

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Le système des personnages

Des récits légendaires (on voit dans certaines légendes Georges tuer le dragon au cours d’une vie remplie d’aventures et d’exploits guerriers), l’auteur n’a conservé que l’épreuve qualifiante du chevalier. Dans notre album, Georges est devenu, non sans humour, « le chevalier cabossé » qui nourrit le dragon de la Belle plutôt que de le tuer. Est-ce un effet de la paronymie mourir/nourrir ? Quoi qu’il en soit, C. Baker poursuit ses inversions et transformations des personnages en faisant du chevalier un être délicat, affectueux (il soigne amoureusement sa monture, nourrit le dragon), aimant les fleurs, généreux (il offre à la belle sa jument), modeste en tout (il ne participe pas à la discussion dans laquelle les autres chevaliers rivalisent de vantardises sur les dragons)…De même, le dragon est devenu un animal de compagnie. Il sera donc utile de procéder à un repérage de ces transformations et d’essayer de les interpréter. Décalé, le récit semble en effet imposer la vision d’un monde en voie d’apaisement, dans lequel les valeurs de civilité et de courtoisie seraient en passe de s’imposer sur celles de bravoure et de témérité. Le combat même contre les dragons semble dépassé.
Il sera certainement nécessaire de lire ou de conter la légende de St Georges afin de mettre en évidence ces décalages et d’en éprouver par contraste les plaisirs : Le chevalier au dragon, livre animé de Lluis Farré et Mercé Canals, Pére Castor, 2009, édition originale en catalan.


Mise en texte

Le texte, fort riche, de cet album est construit selon un schéma assez classique : l’enchaînement des actions qui a débuté avec l’annonce de la recherche d’un prince « beau et généreux » pour la jeune princesse se clôt lorsque le « chevalier cabossé » dévoile son vrai visage. Le titre donc de l’album est assez trompeur puisque le futur époux de la princesse ne peut être qualifié d’étincelant qu’en fin de récit. Cette opposition cabossé/étincelant qui constitue le fil directeur de l’intrigue nous met sur la voie d’une autonomie assez forte du texte qui multiplie les allusions à la « fausse brillance » des autres chevaliers, brillance toute extérieure, celle des armures, des épées et, au-delà de l’ensemble des richesses matérielles possédées.


Un système énonciatif complexe

Cet album offre un récit principal encadré de doubles pages introductives et conclusives particulièrement riches à explorer. Tout le paratexte mérite d’être lu attentivement, citations poétiques comprises (respectivement de Guillaume Apollinaire et de Bernart de Ventadour, poète du Moyen-Age). En effet, dans les marges du livre se joue une autre interprétation du récit principal. Le dragon qui semble être un animal de compagnie devient ici une sorte d’emblème du récit et de regard extérieur et ironique porté sur toute cette histoire surprenante. Figure médiatrice entre l’enfance et l’âge adulte, il se tient, livre en main, au pied d’un arbre et invite à poursuivre l’histoire qui semble se reproduire (ou s’achever ?) à l’arrière-plan. Cette double-page est une mise en abyme de la situation de lecture et l’âge avancé du dragon semble indiquer la pérennité du monde des histoires. Quant aux citations, elles semblent donner un sens plus profond au choix amoureux de la jeune princesse. Pour prendre en compte les caractéristiques de l’album, il peut être intéressant de présenter le récit en jouant de cette interaction texte/image. On pourra par exemple lire le texte dissocié de l’image en première lecture, puis observer les images en suivant des conseils de relecture, avec une focalisation sur l’opposition entre le chevalier cabossé et les autres, entre la princesse et ses suivantes.
Last modified 2009-12-03 15:39