Se situer comme sujet culturel

Le système d’attentes induit par la collection oriente l’activité du jeune lecteur prioritairement vers le jeu des transparents. De ce point de vue, l’album ne déçoit pas puisque le premier transparent est en page 1 ! Une lecture sélective des 7 suites constituées de trois pages (2 opaques et une transparente) permet de faire émerger les questions essentielles sur le référent -l’arbre ou le marronnier- sur les processus et la permanence (de la graine à l’arbre,  la graine d’un arbre donne un autre arbre de la même espèce). Un élève de cycle 1 ou de cycle 2 ne peut faire seul ce travail réflexif car il requiert des capacités liées aux connaissances culturelles sur le domaine scientifique autant sur le plan conceptuel que discursif (dire qu’un arbre est une plante géante n’est pas commun) mais aussi des compétences de lecture documentaire. L’image n’est pas une photographie de la réalité : elle a une fonction didactique à percevoir. Il s’agit alors d’adopter des postures de lecture pertinentes susceptibles de prendre en compte la valeur exemplaire de ce qui est donné à voir dans une dynamique cognitive associant le particulier au général (le marronnier/l’arbre/la plante).

Ainsi dans l’image, tout est signe et devra être interprété : par exemple le papillon qui pourra être pris dans un premier temps comme élément décoratif pourrait bien jouer un rôle dans la fécondation des fleurs. L’interprétation des couleurs, la mise en valeur de l’éclairage s’appuient sur les stéréotypes : vert printemps, nuances orangées et rougeoyantes de l’automne, ombre à l’aplomb du feuillage pour l’été, éclairage incident pour l’hiver… On se reportera avec profit au superbe album documentaire La Nature au fil des mois de René Mettler, Gallimard jeunesse, pour approfondir cet aspect. L’image ne saura en définitive se passer du texte afin d’éviter aux lecteurs des fausses pistes.

Le rôle du médiateur est alors d’élaborer avec les jeunes lecteurs des formats langagiers favorisant le repérage d’éléments inattendus, d’enchaînements surprenants et les mises en relation entre le texte et l’image. Quelques exemples :  

  • Le questionnement conjoint Maître-Élève relatif au moment précis où lire tel paragraphe permet de construire des significations réfléchies et non plus incontrôlées sur les objets de savoir en jeu. Faut-il lire « Sous la terre s’enfoncent les racines : elles nourrissent l’arbre. » avant ou après avoir tourné la page transparente ?
  • Les dernières pages présentant des espèces d’arbres organisées en collections et listes d’arbres et de feuilles suggèrent, par leurs modalités énonciatives, des activités du genre devinette. Là encore, la lecture s’organise selon un ordre bien précis : en chapeau, repérable par la typographie et la place dans l’espace de la page, « Tu peux reconnaître les arbres par leur taille, leur forme et leurs couleurs » et ensuite, au choix du lecteur, l’image de l’arbre et son commentaire qui reprennent les critères annoncés (taille, forme, couleurs). Entre le médiateur et l’élève non lecteur peut s’instaurer un jeu  consistant à retrouver, à partir du commentaire, l’image de l’arbre et son nom.« Le peuplier est long et pointu » où se trouve-t-il ? ou encore après transformation : « Je suis long et pointu qui suis-je ? ».

On espère qu’à terme, les élèves qui ont élaboré en collaboration et en situation dialogique des stratégies de lecture pourront les réinvestir en situation de lecture autonome.