Entrées didactiques : du côté du livre

Mise en images

Le noir et le blanc d'une photographie rencontrent la couleur d'une scène peinte sur chaque double page à l'italienne. Seule la case en haut à droite présentant la lettre et le mot de référence rompt la symétrie. L'utilisation de la couleur du fond sur lequel se détache la lettre en majuscule et minuscule n'est pas anodine. Elle peut être associée par sa symbolique à l'interprétation des images suggérée par le mot de référence : vert (espoir) pour « attendre », rouge triomphant de la réussite pour le mot « boum » (défilé de tambours et shoot de l'enfant dans le ballon). Le choix peut relever d'un souci esthétique (reprise de la couleur dominante).
La disposition des images implique d'emblée une posture interprétative de la part du lecteur. Leur composition autour d'un focus situé généralement au centre, parfois répété (couples enlacés pour la lettre D) structure l'exploration de l'image. Cette structure binaire sollicite la recherche du même dans les deux scènes imagées. Il s'agit parfois du même geste (pied levé pour la lettre B) mais le plus souvent c'est l'interprétation sémiotique du système (mot images) qui conduit à trouver des correspondances qui surprennent le lecteur lui-même.

Interaction texte image

Le mot choisi fonctionne dans l'écart par rapport aux attentes construites par le genre abécédaire. Si je dis Z vous pensez à Zèbre, Zoo, plus rarement à Zut ! Le mot est associé à l'image sur le mode du dénoté (image de zèbre). Dans L'abécédire, c'est plutôt l'inverse qui se produit : un mot apparemment insolite trouve vie dans l'image : « jungle» peut donner "loi de la jungle" et "jungle de la rue" sur la double page du J mais on pourrait aussi proposer pour le J, jeu, jouer, judo, jaune (couleur de la lettre !), joie… Les relations grapho-phonétiques fondatrices du genre sont élargies (lettre initiale ou phonème) sans guidage éditorial particulier (absence d'index de mots). Toutes les réponses sont bonnes tant qu'elles respectent les règles énoncées par l'auteur dans l'incipit. En fonction des expériences culturelles, le lecteur, adulte ou enfant, associera à la lettre ou au mot proposés, un énoncé interprétant la paire d'images.

La double page offre donc une lecture sémiotique complexe déclinable selon les compétences du lecteur et de la médiation :