jeu sur le signifiant et jeux de langage

(du côté du lecteur)

Au cours du cycle 1, la découverte des lettres de l'alphabet est une source d'activités ludiques, jeux de comparaison, de repérages, éducation du regard. Parallèlement au plaisir du mot oralisé, les petits commencent ainsi à s'initier au code de l'écrit. Traditionnellement, les abécédaires associent lettres et mots contenant la lettre ou son phonème, généralement à l'initiale. Ici, l'album joue avec la forme des lettres, leur signifiant, qu'il associe à la représentation d'un objet. Le procédé est courant dans les classes et devient vite un code interne au groupe pour mémoriser l'écriture des lettres. Mais cet album met en jeu les capacités de chaque enfant à donner une interprétation personnelle de l'image de la lettre, à la mettre en mots, à se constituer, dans l'échange et la confrontation, son propre code.

On peut proposer en classe diverses situations pour aborder la lecture de cet album :

  • 1.  Par petits groupe, parcourir le livre, le mettre en jeu, de façon à ce que les enfants soient enrôlés dans le scénario du montré-caché, manifestent leur surprise… La relecture permettra aux plus vigilants qui ont compris la règle du jeu, d'anticiper, aux autres d'éprouver à nouveau l'émotion de la découverte et à tous, la possibilité de formuler et reformuler à plusieurs la mise en scène de la lettre.
  • 2. Dès la première année, on donne aux jeunes enfants la possibilité d'observer la forme écrite de leur prénom. La lecture d'ABC offrira l'occasion de rechercher "sa lettre" ou la lettre (sous-entendu l'initiale) de tel ou tel petit copain et de proposer en reprenant le scénario "montré caché" la fabrication d'un abécédaire des prénoms de la classe.
  • 3. À l'inverse, l'enseignant peut partir d'objets, d'images ou de reproductions d'œuvres d'art, pour susciter les liens possibles avec la forme d'une lettre (Utiliser des calques pour tracer à partir de l'image la forme de la lettre). Les "grands" de moyenne section peuvent faire eux-mêmes des propositions d'objets à interpréter en puisant dans leur environnement, Avec les plus grands, après un travail de sélection, on peut ainsi constituer et concrétiser par des découpages, des dessins, des photos, voire des modelages, l'abécédaire référence de la classe.

On voit que l'activité interprétative relève à la fois du respect de la règle, de l'intériorisation de contraintes et du jeu d'imagination qui oblige l'enfant à se distancer de la signification immédiate de l'objet, à faire appel à une pensée divergente proche de l'activité poétique. Le plaisir du jeu vient aussi de la surprise provoquée par l'interprétation des autres. Mais le jeu se double d'une activité langagière intense, puisqu'il faut nommer l'objet qui peut être absent de l'environnement immédiat. Activité encore plus développée lorsqu'il faut, à la mesure des capacités des enfants de cycle 1, contester une interprétation, trouver les mots pour la réfuter ou pour justifier la sienne.