Dieu dit : "Qu'il y ait des luminaires au firmament du ciel pour séparer le jour de la nuit ; qu'ils servent de signes, tant pour les fêtes que pour les jours et les années ; qu'ils soient des luminaires au firmament du ciel pour éclairer la terre", et il en fut ainsi. La Bible - la Genèse (Quatrième jour)
À moins qu'ils ne se donnent à lire comme discours intangibles (loi scientifique, vérité d'évidence, proverbe…), la plupart des énoncés quadrillent les mondes dont ils parlent d'indications temporelles et spatiales, qui sont autant de signes et de points d'appui offerts au lecteur pour élaborer les liens indispensables entre les mots et les choses. C'est vrai des textes documentaires, qu'ils soient descriptifs, narratifs ou explicatifs, dans lesquels le système de référenciation s'appuie sur des repères "absolus". Mais aussi, naturellement, des récits de fiction ; la constitution d'un espace-temps original y est une préoccupation spécifique du narrateur, qui dispose dans le texte des informations susceptibles d'entraîner l'adhésion du lecteur.
Pour comprendre
le traitement du temps et de l'espace, pour entrer de plein -pied dans les faits
décrits ou dans l'univers représenté, le jeune lecteur
aura besoin de repérer les indications temporelles et spatiales inscrites
dans le texte : les lieux et les moments évoqués sont-ils proches
ou lointains ? Sont-ils précis ou flous, facilement identifiables ou
non ? Sont-ils stables ou non ? Les indications sont-elles reprises, sous la
même forme, sous des formes voisines ?
Dans les albums, la symbolique des images, leur nature même contribuent
à créer l'espace temps en interaction avec le texte : images jaunies
symbole du temps qui a passé…, images spécifiques comme les
cartes, les graphiques.
Le jeune lecteur aura surtout à s'interroger sur la fonction de ces marqueurs
du temps et de l'espace : tracent-ils un simple cadre pour l'action ? Sont-ils
au contraire un élément déterminant de l'intrigue ? Servent-ils
à fonder l'effet de réel ou à susciter un monde imaginaire
? Installent-ils le récit dans une Histoire collective ? Donnent-ils
à comprendre les personnages ?….
Umberto
Eco écrit "Je pense que pour raconter, il faut avant tout se construire
un monde, le plus meublé possible, jusque dans les plus petits détails…
Il faut construire le monde, les mots viennent ensuite presque tout seuls ".
Le problème, pour les jeunes lecteurs, c'est qu'il leur faut partir des
mots, de ce qu'ils disent et suggèrent, pour aller vers le monde représenté.
D'où l'intérêt d'un travail conjoint sur l'écrit
et l'image, sur les ouvrages de fiction et les textes documentaires, pour planter
les décors, appréhender l'épaisseur du temps et de l'espace,
travailler la relation entre le "ici et maintenant" de la lecture
et le "alors et ailleurs" des faits racontés ou analysés.