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La lecture ?
Un apprentissage linguistique comme les autres...,

Jean FOUCAMBERT

Extrait de la page 125.

Résumé :
En lisant, l'adulte expert utilise une voie directe, qu'on peut appeler "ortho-graphique", pour accéder au sens. Lorsqu'il rencontre des mots inconnus, c'est l'environnement sémantique et le recours éventuel aux aides extérieures qui lui permettent de comprendre et non le rapprochement avec un équivalent oral qu'il déchiffrerait d'abord avant d'établir le sens.

D'une part, on ne peut identifier des mots (ou non-mots !) sans les comprendre. D'autre part la possibilité de déchiffrer n'est pas une condition d'accès au sens et lorsque des chercheurs isolent les performances de déchiffrement, ils n'étudient pas la lecture. Surtout, la voie ortho-graphique empruntée par le lecteur expert n'est pas le prolongement d'une voie indirecte, fondée sur le décodage, et qui serait un passage obligé de l'apprentissage. La voie ortho-graphique ne peut donc s'apprendre qu'à travers son propre exercice. D'autant que l'écrit offre à l'enfant infiniment plus de mots que ceux de son lexique parlé : comment alors la mise en oeuvre d'un "mécanisme" préalable permettrait-il de les reconnaître, s'ils ne sont pas connus ?

Le système pédagogique subit les effets néfastes du prétendu préalable obligé de la voie indirecte, phonologique : selon les évaluations officielles, 20 % seulement des enfants maîtrisent les compétences appelées "remarquables", celles pourtant qu'on attendrait d'un savoir-lire durable. C'est le résultat de méthodes qui réduisent, dès le début, l'écrit à un substitut de l'oral, et qui négligent l'exercice d'une vraie "raison graphique", c'est-à-dire la confrontation permanente d'un horizon d'attente avec l'occurrence ortho-graphique de mots.

Par ailleurs, les études nécessaires des conduites du lecteur expert sont insuffisamment développées. De plus, elles souffrent souvent d'a priori. Ainsi les travaux de Morais et d'Alegria : le repérage de conduites phonologiques chez le lecteur expert conforte leur position préalable, en faveur d'un enseignement des correspondances grapho-phonologiques. On peut leur opposer d'autres constatations aussi solidement établies sur les effets déterminants d'un contexte sémantique pour l'identification des mots. Le psychologue n'expérimente que ce à quoi il a déjà pensé, transformant une composante repérée en facteur fondamental.

De même dans l'apprentissage, l'activité complexe qu'est le traitement ortho-graphique ne peut s'apprendre par l'entraînement juxtaposé des opérations qui semblent le composer. Et si traitement phonologique il y a, il n'est pas isolable des autres. La pédagogie de la lecture consiste à créer des conditions et à apporter des aides pour que l'enfant utilise la voie ortho-graphique immédiatement et dans toute sa complexité.

Des résultats significatifs ont été obtenus dans les classes où l'on a pratiqué des entraînements inspirés de la voie directe, en particulier grâce à l'utilisation du logiciel ELMO. De même, les BCD, qui se généralisent à l'école primaire, doivent offrir les conditions d'une lecture d'emblée "savante", authentique, pour peu que leur utilisation soit effectivement intégrée à l'apprentissage.

Finalement les positions sur la lecture renvoient à une conception de l'homme et du monde. L'accès de tous à la lecture savante est un enjeu politique, et il faut promouvoir les pédagogies qui le permettent. L'observatoire, plus que de recenser des pratiques, se doit d'éclaircir leurs présupposés théoriques, voire idéologiques.

Last modified 2006-01-05 16:45