Les usages de ce livre sont induits par une mise en scène particulière du texte et de l’image. Il s’agit d’une histoire en images de 10 graines, chaque double page représentant l’événement qui explique la disparition de neuf graines ou plantules.
Le texte désigne la quantité de graines et la cause de la disparition de la graine, de la pousse, du plant … et la progression de la désignation marque non seulement la quantité mais aussi le développement de la plante, la germination, la croissance, la floraison, la montée en graines.
L’événement est par contre laissé à l’activité interprétative du lecteur. Chaque double page est une scène à « lire » en référence à la précédente. Le texte « une fourmi » et non pas la fourmi désigne l’élément perturbateur. Mais la narration en image fait appel à la connaissance du lecteur : la fourmi emporte la graine, La souris déterre une autre graine… pour quoi faire ? Chaque fois, le jeune enfant doit faire appel à une logique permettant d’identifier la cause et l’effet. La suite d’images « quatre jeunes plants une balle » et « trois grandes plantes un petit chien » pose problème car elles ne sont pas vues comme liées dans un contexte manifestement très anglo-saxon. Qui envoie la balle : un batteur manifestant par sa mimique sa déception ; la balle entraîne à sa suite un petit chien. Les deux événements ont pour conséquence la perte de deux plantes.Sur le plan des connaissances à élaborer, l’album fonctionne sur plusieurs plans :
- une chronologie qui se manifeste par la croissance des plantes, la disparition des graines : on parlera de chronotope .
- les relations écologiques : certaines bestioles mangent les graines, d’autres les bousculent et les déterrent, d’autres encore les parasitent (pucerons), l’être humain les plante et les récolte. Les plantes cohabitent avec d’autres êtres vivants comme les vers de terre qui eux ne les mangent pas (ce que pensent en premier lieu les jeunes enfants) ou les coccinelles qui dévorent les pucerons agressifs pour elles.
- la notion de vie végétale : la graine germe, la plantule se développe, la plante fleurit et donne des graines qui peuvent de nouveau être semées. Le milieu de vie représenté sous terre et sur terre donne à voir des éléments neutres comme la structure du sol et des éléments potentiellement actifs car ils vont « bouger » d’une page à l’autre. Le changement de focalisation dans l’image induit un déplacement parallèle de l’activité cognitive : après avoir identifié l’animal perturbateur sur la page de droite agissant à la surface du sol et repéré l’évolution souterraine de la graine, le regard se déplace symboliquement de bas en haut, (activité de la taupe) au moment où les plantes apparaissent à la surface du sol. Les plantes ensuite prennent toute la hauteur de la page puis sont tellement grandes qu‘elles ne peuvent plus être dessinées en entier (à moins de les réduire) correspondant dans le même temps à une focalisation cognitive sur la partie supérieure de la plante où, là, se passe le phénomène le plus intéressant : la fleur et la fabrication des graines.
- l’activité de jardinage : semer (geste de l’enfant qui sème et qui récolte), marquer le rang avec le sachet de graines vide embroché sur un morce au de bambou. Si cette pratique du jardinage est effective, les jeunes lecteurs pourront connaître d’emblée quelle plante va pousser dès les premières pages.
Corollairement l’activité souterraine représentée en coupe, le geste de semer représenté uniquement par l’avant-bras et le doigt de l’enfant, celui de récolter par la partie supérieure du corps main tendue, sont des appuis cognitifs susceptibles de participer à l’élaboration conceptuelle ou notionnelle du cycle de vie d’un végétal, de l’action humaine sur le végétal, des aléas de la vie végétale.